Stéphanie Nourry, une amoureuse de la nature, une amoureuse de la Vie.
- Louise Petit
- 27 févr. 2018
- 6 min de lecture
Originaire de La Réunion, Stéphanie Nourry travaille actuellement au sein de la circonscription scolaire (CISCO) de Sainte-Marie, à Madagascar. Elle nous livre un témoignage inspirant, rempli de positivisme, d'énergie et de passion...

Salama Stéphanie! Peux-tu te présenter ?
Je viens de fêter mes 37 ans ici, sur l’île Sainte Marie où je réside actuellement depuis mi-juillet 2017. Originaire de l’île de la Réunion, je travaille au sein de la CISCO de Sainte-Marie dans le cadre d'un programme de coopération décentralisée initié par le TCO (Territoire des Communautés de l'Ouest), en collaboration avec le Département de la Réunion. J'interviens en tant qu'animatrice d'éducation à l'environnement.
A la Réunion, je travaillais en tant qu'instructeur en équitation éthologique (j'ai un BPJEPS équitation et un diplôme d'accompagnatrice de tourisme équestre (ATE) et me suis spécialisée dans le méthode dite "des chuchoteurs").
J'ai grandi dans un milieu agricole. C'est sur le domaine familial que j'ai pris conscience de l'importance de notre environnement, que nous faisons partie d'un ensemble qui dépend d'un équilibre, et que l'humain a une facilité déconcertante à l'oublier et à l'accepter. L'entreprise agricole de mon père a été pionnière en culture bio, polyculture, agro-écologie, éco-tourisme, tourisme équestre...
C'est auprès de personnes riches de patrimoine et de valeurs que j'ai appris l'importance de prendre soin : soin de soi, soin des autres, soin de notre Mère Terre... et à transmettre un message de bon sens concernant notre impact sur la Nature
Peux-tu présenter la structure dans laquelle tu travailles ?
Je travaille actuellement au sein de la CISCO, circonscription scolaire de Sainte Marie, à Madagascar. Je suis chargée de l'éducation à l'environnement, et je les accompagne dans l'enrichissement des consciences dans le domaine du développement durable. C'est une CISCO qui compte une quarantaine d'écoles publiques et privées au sein desquels évoluent plus de 7 000 élèves de la pré-scolaire au lycée.
Quelles sont tes missions au quotidien ?
Depuis mon arrivée en mi-juillet 2017, il a été pour moi primordial de m'imprégner des us et coutumes de ce pays, de sa langue, de sa culture, de sa situation socio-économique et éducative, de son environnement.
Pour ce qui est de l'accompagnement de projets et d'actions, je mets un point d'honneur à construire à partir de la réalité du terrain et de l'existant pour que les gens se sentent pleinement impliqués, s'approprient la démarche et la rendent pérenne. J'ai donc fait un diagnostic de départ, soumis un questionnaire à tous les établissements pour connaître leurs projets passés et actuels tout autant que leurs besoins, le temps qu'ils sont prêts à consacrer à l'éducation à l'environnement et surtout construire une relation de confiance en présentant mes expériences et domaines de compétence.
J'ai pris le temps de rencontrer et de m'investir auprès des acteurs locaux divers, notamment la CUSM, la PCADDISM, le GRET, Cetamada, des associations et des experts tels que Martial Sounenaka, guide reconnu à Sainte-Marie.
Je propose donc à la CISCO et à ses établissements scolaires, des séances de sensibilisation soit ponctuelles sur des journées à thème par exemple.

J'ai récemment accompagné l'association Bakoaran'i Nosy dans la mise en place d'un tournoi de débatteurs sur le thème de l'environnement, en aidant les élèves à la préparation des arguments et à la prise de parole en public ainsi que l'organisation générale.
Nous avons accueilli l'expédition "Défi Plastik" en décembre 2017 dans la sensibilisation des déchets plastiques en mer, et cette sensibilisation s'est récemment prolongée sur le ramassage des déchets plastiques déposés par le cyclone Ava le long de la digue, action à l'initiative de l'association "Le plastique c'est pas chic".
Des projets divers émergent dans les écoles sur des thématiques de reboisement, de mise en place de compost et de potager. Quelques écoles-pilotes sont en passe d'intégrer le "programme Eco-School" dans leur démarche d'établissement. Avec 2 écoles, nous préparons le mois international de l'enfance en juin, et profiterons du 5 juin, journée mondiale de l'environnement pour proposer une restitution du travail de création des élèves sur le thème "vivre et grandir dans un environnement sain".
Le mois de mars verra arriver la COI et une quarantaine de promoteurs, bailleurs sur le territoire saint-marien. J'accompagne la PCADDISM dans l'accueil de cet événement qui a pour but de valoriser les initiatives de moyennes subventions et micro-projets financés par la COI, de réunir les pays de la zone Océan Indien dans le cadre d'une restitution du programme GIZCOI, d'ouvrir des perspectives de projets dans une conscience de développement durable.
Les missions sont variées et diverses et touchent autant un public de scolaires que d'acteurs locaux dans des domaines divers. Les mises en réseau et partenariat entre les différents publics et domaines vont de soi, favorisées par l'écoute des besoins, la connaissance du terrain mais surtout la confiance réciproque et la fraternité qui découlent des rencontres.
Quelles ont été tes motivations pour travailler dans le domaine de l’environnement ?
Mon vécu est la base sur laquelle se sont fondées mes motivations. L'environnement n'est pas pour moi un domaine, un thème... c'est un cheminement. J'ai, en effet, pris conscience depuis mon plus jeune âge de la valeur profonde de notre patrimoine Mère Terre.
Depuis jeune, j'ai appris à être un petit colibri actif, et de rencontres de colibris en colibris, je me suis engagée du mieux possible d'abord sur un plan personnel mais aussi professionnel. Je viens d'une île, j'ai voyagé dans le monde et les rencontres m'ont confortée dans le fait que l'Homme a oublié sa vraie Nature : il est une partie de cette Terre mais la maltraite et puis s'en plaint. Il subit les conséquences de son propre impact mais blâme les autres.
Qu'est-on prêt à changer dans notre quotidien, dans nos gestes, dans notre manière de consommer ? Peut-on réduire, recycler, refuser de produire certains déchets ? Quelle nourriture de Vie souhaite-t-on dans notre assiette et pour notre santé ?

L'éducation est primordiale car elle mène à la prise de conscience, la prise de conscience mène à l'action, à des choix éclairés qui auront un impact. La conscience aide à responsabiliser.
J'aime l'idée d'être une semeuse de graines (de bonnes graines j'espère !).
J'aime cette démarche qu'on peut choisir de donner à un Homme du poisson mais qu'on peut aussi lui apprendre à pêcher pour qu'il soit autonome. Ou mieux, peut-être, le faire réfléchir sur les différentes sources de nourriture qu'il pourrait créer avec la Nature.
Quelles seraient les « clés » ou tes idées pour améliorer la sensibilisation à l’environnement à Madagascar ?
Je porte une attention particulière à la manière de présenter le message. J'ai la chance d'avoir des notions en pédagogie alternative et en psychologie positive. Je m'en sers pour favoriser l'échange et pas, seulement, l'apprentissage dans un sens classique du terme.
Que savez-vous ? Qu'avez-vous envie de savoir ? Comment souhaitez-vous apprendre et mettre en pratique ? Comment puis-je vous guider dans cet apprentissage ?
Les élèves qui deviennent des chercheurs et pas juste des cerveaux que l'on gave d'informations, de croyances... sont plus à même de s'épanouir avec confiance et respect - confiance pour que leurs actes soient un choix et non une obligation, respect pour que ces actes soient de bon sens et éclairés.
La patience est aussi une clé. Le changement prend du temps, surtout dans une société mondiale où tout va de plus en plus vite. "Prenons notre temps car nous sommes pressés", quel paradoxe en soi ! Mais c'est tellement vrai. Et je crois qu'il y a urgence de réparer notre Monde.
La Foi. Croire en soi. Croire en l'autre et le laisser faire ses choix. Croire que le changement est déjà en marche.
Et sans doute, l'empathie et la bienveillance sont des clés qui nous aident à comprendre pourquoi chacun fait ses propres choix, même si ces choix ne nous paraissent pas idéaux ni justes.
Quel regard portes-tu sur la situation actuelle du pays ? (sociale, économique, environnementale…) ?
Je pense que Madagascar est un paradoxe vivant : tous ces individus, tout cet espace, toute cette diversité, toute cette richesse : faune, flore, mines, biodiversité, ressources halieutiques... Et pourtant c'est un pays qui survit, qui lutte pour sa liberté et l'égalité des chances au sens large, qui pille et laisse piller son patrimoine, qui vit sous perfusion, qui a du mal à nourrir ses Hommes...
Entre troubles politiques, corruption, catastrophes naturelles ou provoquées par l'humain... la Grande Île fait de son mieux, avance et recule.
Je souhaite à ce pays qu'il s'éveille à cette chance et cette richesse profonde qu'il porte en son sein : ils sont nombreux ses ambassadeurs de l'environnement, ses ambassadeurs de l'éducation, ses ambassadeurs politiques... encore faut-il qu'ils puissent s'exprimer et se révéler, être à l'abri des préoccupations de base comme la faim, la soif, le froid, la peur... Pour que leur cœur voit plus loin que la mort qui pourrait arriver la minute d'après.
Un beau moment / souvenir à nous faire partager depuis que tu es à Sainte Marie ?
Ce que je vis de plus beau à Sainte-Marie, ce sont les rencontres : la rencontre avec moi-même, avec l'autre, avec ces beaux paysages et ces sensations de bonheur profond de sentir que je suis à ma place au bon moment.

Un credo dans la vie ?
Le plus important dans la Vie, c'est le chemin, et non pas la destination.
Alors j'apprends chaque jour à cheminer gaiement.
Misaotra betsaka Stéphanie pour ce magnifique témoignage...
Amanaraka , on se voit bientôt à Sainte-Marie!
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