"Sensibiliser", oui mais...
- Louise Petit
- 30 janv. 2018
- 3 min de lecture
Cet article est le fruit de réflexions personnelles. Il n'est pas exhaustif ni généraliste et s'appuie sur des faits vécus ou ressentis à Madagascar.

La "sainte parole"
L'image de l'"occidental" venant éduquer "l'Africain" ou d'autres peuples "exotiques" semble avoir vieilli depuis la décolonisation … mais est-ce aussi vrai ? Nous, occidentaux, arrivons encore le plus souvent avec nos beaux principes, nos certitudes, nos idées préconçues, nos modèles prêts à l'emploi, notre apparence de bienveillance, notre prétention à l'universalité … notre volonté de "sauver" l'Afrique. Après avoir "apporté" religion, santé, éducation ne voilà-t-il pas que nous voulons sensibiliser les populations locales aux problématiques environnementales. Tiens, quelle bonne idée d'aller implanter des projets partout en Afrique ! Parce que "c'est comme ça que nous faisons en France", parce que "notre modèle fonctionne", alors allons-y, il n'y a pas de raisons que ça ne marche pas !
Et bien, si, des raisons, il y en a plein.
"Planète, je te protégerai !"
Longtemps, les questions liées à la conservation et à la protection de l'environnement n'ont pas pris en compte les populations et se sont faites "contre" elles. On va interdire de pêcher du poisson, de pratiquer les cultures sur brûlis, de couper des arbres pour le bois de chauffe ou la construction... Mais tout cela est dit sans prendre en compte les réalités économiques et sociologiques du pays, sans tenter de comprendre le pays et les populations qui y vivent.
Comment protéger l'environnement si tu meurs de faim, si tu n'as pas de quoi nourrir ta famille ? Il est facile pour nous, "étrangers", de venir donner des leçons alors que nous savons que nous n'aurons jamais l'assiette vide et que nous avons évolué dans une société de l'abondance. Il est évident que lorsqu'on a des difficultés pour se nourrir et nourrir sa famille, les préoccupations environnementales ne sont pas une priorité.
Certes les populations à qui s'adressent ces messages de protection du milieu peuvent avoir conscience des menaces qu'elles font peser sur celui-ci mais si aucune alternative effective n'est proposée comment rester crédible ?
D'autre part, ne peut-on pas penser que cet appel à la protection de l'environnement, tout louable qu'il puisse être, ne cache pas, et de manière détournée, une façon pour les pays
"donneurs de leçons" de continuer à imposer leur vision du monde ? En plaquant des remèdes "exogènes" aux problèmes rencontrés, en important des systèmes de gestion des ressources, en n'associant pas réellement les populations concernées, ne crée-t-on pas une nouvelle forme de dépendance en rappelant certaines fâcheuses du passé ?
Impliquer, se concerter, mutualiser, créer une synergie
Il me semble donc important d'impliquer les populations locales dans la préservation de leurs écosystèmes, dans l’exploitation de leurs propres ressources et dans la surveillance de leur environnement. Aujourd'hui, les organisations malgaches sont peu présentes dans la gestion de cette problématique. Ou quand elles le sont, elles dépendent le plus souvent de leurs bailleurs de fonds occidentaux et ne sont pas considérées à égalité de partenariat. Toutefois, des exemples de bon fonctionnement existent. Celui des aires marines gérées localement (LMMA) en est un.

J'avais pu assister l'année dernière à une journée consacrée à cette thématique dans le nord de l'île Sainte-Marie. "Les Aires Marines Gérées Localement sont des zones marines et côtières gérées par les communautés riveraines de ces sites, mais aussi par des propriétaires fonciers ou des représentants locaux du gouvernement", explique WWF Madagascar, initiateur avec Blue Ventures, de la mise en place de ce modèle de gestion communautaire. Plus de 12 000 km² de côtes de Madagascar sont actuellement sous gestion locale.
Et ma mission ?
Ma mission principale est de lancer un programme de sensibilisation autour de la protection de l'environnement et plus particulièrement de la déforestation à Antsirabe. Alors que je ne suis pas encore entrée dans le "vif du sujet", nombre de questions fondamentales apparaissent. Comment faire pour aller au-delà du simple "Couper des arbres ce n'est pas bien, il faut replanter" ? Comment "sensibiliser intelligemment" ? Car si nous souhaitons qu'il y ait des améliorations au niveau de la préservation et de la protection de l'environnement ici à Madagascar, il est essentiel que les communautés locales se sentent concernées et s'emparent de la question.
Là encore, tout cela est délicat. Il faut prendre en compte les réalités du pays, le quotidien des gens qui vivent ici, ou du moins, qui survivent.
De plus, je suis très consciente qu'on ne peut résoudre la problématique environnementale sans se poser la question d'une redistribution plus équitable des richesses. Cela me semble la condition préalable pour que chacun puisse avoir le "luxe" d'une prise de conscience écologique.

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